Lettre ouverte : « Des fonctionnaires qui agissent encore et toujours en robot »

Merci au journal Le Droit d’avoir publié cette lettre publique adressée au CISSSO.
Toutefois, bien que La Soupière de l’Amitié l’ait co-signé, nos noms ont étés retirés sans explication.
Comme La Soupière demeure solidaire et signe, nous souhaitons relayer l’information également.

Lien vers la lettre ouverte publiée au journal le Droit du samedi 10 décembre 2022 : https://www.ledroit.com/2022/12/10/des-fonctionnaires-qui-agissent-encore-et-toujours-en-robot-ae924cc72e4a267a8daa0294d5616936


« Des fonctionnaires qui agissent encore et toujours en robot »

Le Droit
À VOUS LA PAROLE

Même si le phénomène de l’itinérance engendre de la compassion, la situation des ménages en situation d’itinérance se compte toujours par dizaines en Outaouais. Ce sont des personnes seules et des familles qui vivent dans la précarité extrême, sans chez soi. Marginalisées, souvent méprisées, ces personnes n’ont pas droit de cité dans une société qui figure parmi les plus riches au monde. Avec la crise du logement, la dégradation des services sociaux, cette situation s’aggrave.

Mme Josée Filion, pdg du CISSSO,

L’itinérance est un phénomène complexe nécessitant souvent l’intervention de praticiens relevant de différentes organisations. Elle requiert une action collective innovatrice. Pour y faire face, beaucoup de chercheurs en théorie des organisations signalent la nécessité de faire appel à des relations interorganisationnelles et à la coordination qui les accompagne.

C’est dans cette perspective que la Politique nationale de lutte contre l’itinérance fut mise en place en 2014. Elle vise l’inclusion et la participation de tous à la vie sociale, économique, politique et culturelle du Québec. Les ministères, les organismes gouvernementaux, le milieu communautaire, les institutions publiques, les villes, les municipalités, les citoyens corporatifs, les commerçants et l’ensemble des citoyens sont invités à se mobiliser pour prévenir et contrer ce phénomène.

Malgré la bonne volonté du législateur, des acteurs engagés dans son élaboration et les énoncés qu’on y retrouve, nous constatons après toutes ces années que la quasi-totalité des interventions se pratique encore en silo sans véritable concertation, particulièrement avec les représentant.e.s de la ville de Gatineau, les ministères, organismes gouvernementaux et publics. En dépit des dispositions et des engagements de cette Politique, il s’agit d’une situation inadmissible.

Des fonctionnaires qui agissent encore et toujours en robot, qui refusent systématiquement de prendre des initiatives, qui ne sont jamais imputables de quoi que ce soit tout en déléguant leurs responsabilités dans la cour des organismes communautaires; c’est la réalité avec laquelle nous devons malheureusement régulièrement composer.

Pétris dans leur position envers la « petite case », une grande partie de ces fonctionnaires oublient complètement la raison d’être de leur mission d’assurer des services adéquats. D’assurer la santé, le bien-être, la dignité et, surtout, un véritable droit au logement à ces citoyens et citoyennes sans chez soi, tel que reconnu dans l’axe 1 de cette Politique. Ils ignorent et ferment littéralement les yeux sur cet impératif et sur le fait que ce droit ne doit pas être interprété au sens étroit d’avoir « un toit au-dessus de sa tête », mais comme le droit à un véritable chez-soi, le droit à un lieu où l’on puisse vivre en sécurité avec un bail, en fonction de sa capacité de payer, en sécurité, dans la paix et la dignité.

Faciliter l’accès à un logement constitue un enjeu central, tant pour la prévention de l’itinérance que pour aider les personnes et familles concernées à sortir de la rue de façon définitive, particulièrement dans les milieux où les logements sociaux demeurent peu disponibles et où les logements locatifs les plus abordables demeurent trop chers, à Gatineau et ailleurs en Outaouais. Dans ce contexte et à défaut d’avoir accès à un logement abordable ou social, « le Programme de supplément au loyer (PSL) et le soutien communautaire demeurent des outils indispensables » nous dit le législateur dans cette Politique.

Malgré ces positions gouvernementales, comment expliquer qu’à Gatineau un nombre effarant de personnes et familles autonomes soient encore et toujours sans chez soi. Malgré les belles déclarations, comment expliquer les refus systématiques des autorités de chercher des solutions novatrices pour faciliter l’octroi de ces PSL à ces ménages enlisés dans l’itinérance.

Ça n’a aucun bon sens!

« Les solutions à l’itinérance commencent par l’écoute. Nous devons travailler avec tous nos partenaires afin de tenir compte des différents visages de l’itinérance, des parcours de vie variés et, surtout, des besoins de chaque personne » nous dit le premier ministre du Québec, François Legault. Malgré ces beaux mots, l’écoute n’est pas véritablement là et la réalité est tout autre.

Si à moyen et long terme la solution des ménages démunis autonomes et sans chez soi passe par plus de logements sociaux et communautaires dans l’immédiat, il est impératif de soutenir davantage ces ménages par des mesures efficaces. L’objectif premier devrait être de reloger rapidement ces ménages.

Nous appelons le CISSSO à agir rapidement et à assumer véritablement sa responsabilité de coordination, de concertation et d’imputabilité. Ce leadership et cette concertation devraient se traduire par un mandat plus formel et rigoureux du comité relogement présentement en fonction. Cette structure devrait être redéfinie pour avoir des objectifs précis, des bilans et surtout, des réponses ajustées aux conditions et aux besoins spécifiques des personnes et familles en situation d’itinérance afin de leur permettre d’obtenir rapidement un véritable chez-soi.

Le statu quo ne peut plus persister et cette situation doit changer rapidement.

François Roy,
Président du conseil d’administration des Œuvres Isidore Ostiguy,

Louise Guindon,
Présidente du conseil d’administration de Logemen’occupe et ex-présidente du Collectif régional de lutte à l’itinérance de l’Outaouais (CRIO)


Louise Petitclerc
,

Présidente du conseil d’administration de la Soupière de l’amitié de Gatineau

Mathieu Déziel,
Directeur général de la Soupière de l’amitié de Gatineau et
Ex-président du Collectif régional de lutte à l’itinérance de l’Outaouais (CRIO)